Une centaine de parpaings, peut-être davantage et du papier froissé, déchiré, des chiures de nappes, des serviettes…
Chacun des tableaux de Liesse(s) est composé du précédent, recyclant à l’infini, avec ingéniosité et opiniâtreté les mêmes éléments, mâchés, mouillés, soufflés
Des visages violemment surlignés, des figures de femmes.
Une mariée s’habille d’une robe sortie d’une boite de kleenex
Une femme se couronne de câble et devient la Concorde.
Une autre s’étale devant une pile d’assiettes
Un amas de cintres de métal danse joyeusement
Des femmes se croisent dans le chaos du carnaval et leurs masques tombent sur d’autres masques. Chacune à leur façon, elles démontent l’espace, s’assoient puissantes sur les ruines fumantes de ces rituels détruits, rituels de transactions de leurs corps de femmes, rituels piétinés, du printemps, de l’été, de l’automne et de l’hiver des hommes.
Le public déambule et traverse des espaces dont il ne sait jamais s’ils sont en construction ou en déconstruction.
Parpaings et praticables, appuyés les uns sur les autres, obéissent à une logique qui lui échappe.
On se croirait, soudainement sur la station Mir, ou dans les ruines d’un amphithéâtre futuriste. Des silhouettes manipulent ces parpaings avec efficacité, surgissent les scènes. Le public peut rester impavide et assister au ballet des préparatifs, ou suivre un brancard de procession, sonorisé qui s’échappe un instant du décor.
Une artiste se remplit sous un sac de riz éventré, emportant dans son sillage blanc une partie du public. Des danseurs folkloriques ouvrent la marche au son d’une viole haletante. Trois nettoyeurs armés de souffleurs, manipulent le papier déchiré qui jonche le sol, Le public est fasciné par ce ballet flottant, les débris légers se collent sur les corps couverts de vaseline des artistes.
Les déambulations sont sonores, la marche du public est captée par des lampions interactifs qui enregistrent sa cadence, son souffle. Cette marche déambulée rythme ces entre-scènes que j’aime tant. On reviendra toujours au même endroit, parce qu’on tourne en rond comme dans la chanson. On ne verra jamais la même chose, parce qu’à force de tourner en rond, on fait tomber les murs de Jérichococowboy.