" La tentation est grande, de finir le triptyque sur le même mode créatif.
Commencé en 2014 avec JEAN, solo pour un monument aux morts, la petite histoire mêlée à la grande.
Poursuivi en 2018, avec VOUS ÊTES ICI, solo pour des milliers, la trajectoire de deux frères mêlée aux grandes trajectoires des migrants.
Ce procédé sur ces deux soli « mille feuilles » m’a permis de mettre de la distance entre mon histoire et l’Histoire, et de rendre mes récits universels.
J’ai pu ainsi mettre en résonance le moindre coup de coude de mon père avec les mots du géant Jaurès, le moindre élan lumineux de mon frère sur un stade avec les millions d’étoiles dans les yeux des gosses des quartiers pauvres d’ici et d’ailleurs.
Là, avec ce troisième volet sur ma mère, je suis coincé.
Sa trajectoire n’a rien de spectaculaire, d’extraordinaire, elle vit seule dans un appartement aux volets souvent mis clos.
Sa vie est faite de maladresses, de rencontres malheureuses, sur fond de paranoïa.
Et pourtant, quand il a fallu s’oublier pour ses deux grands fils elle n’a pas hésité.
Elle n’a pas réfléchi, intellectualisé la chose comme je suis en train de le faire.
Elle l’a fait, et ce pendant des décennies.
Voici les mots que je pose dans mes cahiers pour essayer de raconter son histoire : courage, instinct de survie, force, abnégation, etc.
Tous finissent soulignés, rayés, remis, machés et remachés au bout de deux pages.
Un seul résiste et cherche sa définition au fil des pages : la foi.
La foi est partout dans sa vie, une foi naturelle.
Comme ma mère, sa présence est discrète mais tenace.
Ecrite dans la marge mais indélébile.
Comme ma mère. "