C’était en 1997, on était quinze à venir de tous les horizons du spectacle et à se retrouver en Ariège, dans un hangar où on se gelait tous un peu les pieds. On travaillait à une forme de spectacle violemment et tendrement vivante, faite sous chapiteau de musique et de théâtre, d’apostrophes aux publics et de secrets volés.
Et puis, il y avait ceux qui venaient de la rue et qui rêvaient de salle obscure et d’un nid un peu plus douillet, ceux qui venaient de théâtres bien rangés et qui rêvaient de ciel ouvert et de poêles à bois dans des caravanes, et nos chemins qui se brassaient se sont croisés.
De l’aventure, d’autres aventures ont essaimé, plus intimistes ou plus précises.
Attention fragile est l’une d’entre elles, créée par Gilles Cailleau et Patou Bondaz en 1999, d’une question : comment, plutôt que de jouer devant, peut-on jouer parmi des gens ? Comment les relations acteurs-spectateurs peuvent-elles fonder le propos artistique de la création ?
Cette question s’est d’abord traduite par trois ans d’un travail « confidentiel ». Gilles, après 10 ans de travail en compagnie, voulait prendre le temps et le risque de la recherche.
Après ces trois ans de pur chantier, des formes artistiques sont nées, suffisamment claires pour que la compagnie considère qu’il était juste de les défendre et de continuer, encore et toujours, de chercher dans ce sens.
Depuis, revendiquant son appartenance transversale aux arts de la piste, au théâtre et aux arts de la rue, la compagnie promène ses chapiteaux en France et à l’étranger. Elle est programmée dans tout type de lieux, des plus reconnus aux plus minuscules. Venu du théâtre et happé par le cirque, Gilles Cailleau a écrit et mis en scène tous les spectacles de la compagnie.
À la fois, elle rassemble des gens qui travaillent ensemble depuis 30 ans et s’ouvre perpétuellement à de nouvelles personnes, de nouvelles énergies, de nouveaux regards.
Au moins une fois par an, Attention Fragile monte un « village de chapiteaux », véritable lieu de vie, de rencontres et de spectacles.
Nous revendiquons une culture extensive (comme on dit agriculture extensive) c’est-à-dire, la possibilité de ne pas rentabiliser toutes les minutes de notre présence, mais au contraire, d’ouvrir du temps informel et vide, prêt à se remplir de ce qui naît au cœur de cette présence.
Quant à l’itinérance inscrite dans l’ADN de la compagnie, elle ne ramène pas seulement à la tradition du cirque ou du théâtre, elle raconte surtout la fragilité du monde qui vient.