Très librement inspiré de « Journal d'un corps » de Daniel Pennac, ce spectacle propose une variation sur le thème du corps. De façon onirique et décalée, deux comédiennes circassiennes comparent leur morphologie, explorent leur anatomie. Essayant par tous les moyens de coller à un code préétabli, elles se trouvent confrontés à leurs défauts et se font surprendre par leur animalité. Le décor épuré se transforme au fil du spectacle tel le corps au cours de la vie, il se charge d'empreintes, de mémoire.
Nous nous inspirerons très librement mais néanmoins fortement de Daniel Pennac. Dans Journal d'un corps, il dépeint le ressenti d’un corps habitacle, tour à tour comme un outil qu'il faut apprendre à maîtriser, et comme un reflet de notre être. Il raconte ce que le corps nous dit et que l'on n'entend pas, ce que notre enveloppe charnelle ne dit pas et qui nous blesse, sa mémoire, son langage.
Coincés dans les contraintes sociales, rompus aux diktats de la mode nos corps ont été oubliés. Ils ont perdu leur fonction première, celle d’exister, au sens cru du terme, par ses fonctions biologiques (manger, dormir, déféquer...). Notre corps est devenu un objet de consommation ; très codifié il est un portant, un contenant a contrario de sa nature. Tel une vitrine on peut le modifier à foison, le reproduire, le changer de sexe. Il est parfois même érigé au statut d'œuvre d'art.
« Le corps est une invention de votre génération, Lison. Du moins quand à l'usage qu'on en fait et au spectacle qu'on en donne. Mais pour ce qui est des rapports que notre esprit entretient avec lui en tant que sac à surprises et pompe à déjections, le silence est aujourd'hui aussi épais qu'il l'était de mon temps. Si on y regardait de près on constaterait qu'il n y a pas plus pudiques que les acteurs porno les plus déculottés ou les artistes du body art les mieux décortiqués. Quand aux médecins (à quand remonte ta dernière auscultation ?), ceux d'aujourd'hui, le corps, c'est bien simple, ils ne le touchent plus. Ils n'en ont, eux, que pour le puzzle cellulaire, le corps radiographié, échographié, scanné, analysé, le corps biologique, génétique, moléculaire, la fabrique d'anticorps. Veux tu que je te dise ? Plus on l'analyse ce corps moderne, plus on l'exhibe, moins il existe. Annulé à proportion inverse de son exposition. » - Pennac
À partir du moment où il est représenté, il disparaît, son image tronque sa véritable essence. Lorsqu'on le regarde, on le met en scène, on lui colle un jugement et il perd toute neutralité.
« Tous les corps sont abandonnés dans les armoires à glace. » - Pennac
En partant de cet état des lieux nous questionnerons le langage de ces corps contraints, comment s'expriment-ils malgré tout que ce soit par des tics, des boiteries, des droitures...
Le corps dans ses empêchements devient créatif ? Ruse-t-il comme Molière face à la censure ?
Si on ne le contient plus, que dit-il ? Quel retour au côté animal ? Si on ne le regarde plus, comment le voit-on ?
Un corps est un corps, et si nous ressemblons tous plus ou moins à l’Homme de Vitruve de Léonard de Vinci, nous ne sommes pas similaires pour autant. Nos imperfections nous permettent de nous démarquer des autres : notre différence comme unicité, nos travers comme qualité. Les comédiennes jouent sur le semblable, la différence ; à elles deux, elles sont une entité et ses diverses facettes.
« Notre corps est aussi le corps des autres. » - Pennac
Le spectacle existe aussi en espagnol.