Apparemment toujours en plein effort sous le soleil le plus torride, la « peau » des statues figées en pleine ville parfois pourtant s’abîme, rongée par la rouille, le lichen, la pollution ou les champignons.
Un mouvement imperceptible, une lente érosion fascinante.
Le désir chorégraphique est ici de s’emparer de l’idée de désagrégation de la pierre : une fonte progressive, construite au ralenti, mais aussi des fragments de corps, de matière qui se détachent, lâchent sous l’action du soleil ou de la pluie.
De manière fluide ou chaotique, je tenterai de transformer la forme, la statique initiale empruntée à une statue in situ, pour voyager d’une silhouette à une autre, de Jeanne d’Arc au poilu, de la veuve éplorée au fier savant, reliant ainsi divers arrêts sur images riches d’évocations, de fragments d’histoires, de nos histoires.
Morphing, fondu enchaîné, pratique du dégradé, lente érosion, les mots en effet ne manquent pas pour dire ou suggérer la transformation.
Du mouvement le plus imperceptible au passage le plus brusque, de l’émiettement au glissement visqueux, tout sera tenté pour voyager d’une forme à une autre, en groupe et en contact ou à distance. Un temps chorégraphié, entre deux images, propice à mille interprétations et autant de directions possibles pour une seule hypothèse finale : la disparition.
Cette chorégraphie de l’effacement croisera une musique conçue comme une vaste fresque en partie disparue, ou abîmée. Recherche d’une ligne musicale fascinante, composée d’une succession et superposition de nappes sonores aux résonnances physiques (sensation de vertige, de rêve) et historiques (brides de discours voilés, mémoires sonores de diverses époques). Il s’agira aussi de rapprocher l’oreille du spectateur de l’action dansée en lui faisant goûter aux accidents de la matière (frottements, craquements et autres éléments d’une musique bruitiste), combinant ainsi dans un parfait grand écart, l’immensité de l’histoire et la proximité de la peau…