utiliser l’image de la cabane pour questionner notre rapport au monde
Pendant le premier confinement, mon fils construisait des cabanes au milieu du salon en tendant des couvertures entre les fauteuils, la table et le canapé. Je l’observais et je me revoyais faire la même chose à son âge, comme la plupart des enfants. Il s’agit-là d’un acte émancipateur : constituer son propre monde en dehors du monde des adultes. Qui d’autre utilise une cabane ? Des personnes pratiquant une activité solitaire, comme les bergers ou les pêcheurs, les jardiniers, certains artistes, des poètes ; des personnes qui souhaitent vivre différemment aussi, ou qui n’ont pas les moyens d’habiter dans un logement classique. J’ai pensé aux personnes sans domicile, aux camps de personnes migrantes, aux 150 bidonvilles français. J’ai aussi pensé aux ZADistes qui luttent pour la protection d’un espace naturel menacé, et aux gilets jaunes qui ont installé des cabanes sur les ronds-points. Par choix ou contraints, pour contester ou résister, toujours pour s’abriter, les personnes qui fabriquent, utilisent, partagent des cabanes se positionnent en marge du monde global. Je souhaite utiliser cette posture, cette image de la cabane pour questionner notre rapport au monde, pour évoquer le fragile équilibre qui nous abrite. Parce que la cabane c’est aussi cela : une construction fragile, réalisée avec les matériaux trouvés sur place, n’utilisant que l’essentiel, et ne disposant que d’une frontière ténue entre le dehors et le dedans, entre le privé et le public, entre l’intime et l’universel.